L'Acadie à l'heure de la mondialisation : nouvelles perspectives d'affirmation nationale pour les peuples sans État
Année :
2014
Auteur(e) :
Volume et numéro :
, 20
Collection :
, 1
Revue :
, Histoire Québec
Pages :
, 85-110
Résumé
L’Acadie à l’heure de la mondialisation : nouvelles perspectives d’affirmation nationale pour les peuples sans État par Stéphan Bujold Dans un texte paru il y a quelques années (Bujold, 2007), j’ai tenté d’appliquer le concept de diaspora au peuple acadien, une entreprise relativement novatrice dans le sens où le concept était parfois utilisé, mais dont la pertinence en ce cas précis n’avait été que peu examinée (Magord, 2003 ; Magord et Belkhodja, 2005). Le peuple de diaspora par excellence est évidemment le peuple hébreu, surtout avant la création de l’État d’Israël, en 1948. L’acception la plus restreinte de ce concept est un peuple dispersé en maints endroits du monde et hors de son foyer national à la suite d’événements historiques tragiques et hors de son contrôle. Nul besoin d’épiloguer longuement pour constater que cette définition s’applique au peuple acadien depuis la déportation dont il fut victime en 1755 (voir Chiasson 2009). Dans le présent article, je voudrais faire un pas de plus en mettant en parallèle le phénomène de mondialisation en oeuvre dans l’économie mondiale depuis plusieurs décennies et les possibilités qu’il ouvre aux peuples ou nations sans État et transfrontaliers comme les Acadiens, qui en sont un excellent exemple. Plus précisément, est-ce que les nouvelles conditions émergeant dans le système international pourraient faciliter l’affirmation nationale des peuples comme les Acadiens, dont la voix sur la scène internationale ne portent guère? L’approche utilisée pour mener cette réflexion se situe au confluent des sciences historiques et politiques, plus précisément le champ de recherche de cette dernière discipline que l’on appelle relations internationales, parfois moins justement politique internationale. Le système international et l’État moderne La scène internationale telle qu’elle nous apparaît encore aujourd’hui s’est mise en place lentement depuis la seconde moitié du xviie siècle en Europe occidentale. Son acteur quasi unique est l’État, celui qui s’arroge l’exclusivité de la souveraineté et du contrôle d’une population sur un territoire délimité par des frontières théoriquement intangibles et inviolables. Cette forme d’organisation politique est la seule admise à siéger comme membre à part entière au sein de l’ONU et de la plupart des autres organisations internationales, mieux nommées interétatiques ou intergouvernementales. Cet État est parfois qualifié d’État-nation. A priori, on peut s’imaginer qu’il puise sa légitimité dans l’existence d’un peuple, d’une nation, et que c’est une règle généralement admise que ce peuple maîtrise son devenir historique par le moyen de cet État. Toutefois, il n’en va généralement pas ainsi. C’est plutôt l’État qui nationalise les populations souvent hétérogènes vivant sur son territoire et qui est la source de cette relative uniformisation de la communauté nationale. Par exemple, la France de Louis XIV était une mosaïque de cultures se ressemblant plus ou moins, et ce n’est qu’au xixe siècle, notamment à la suite de l’établissement de l’instruction primaire nationale obligatoire, que la France moderne s’est formée et que le français, la langue de l’élite nationale contrôlant l’appareil gouvernemental, est devenu la langue commune de tous les Français. Un processus comparable a eu cours en Italie, surtout depuis la Deuxième Guerre mondiale, mais grâce en partie aux médias modernes de masse, comme la télévision, dans laquelle on uniformise la langue parlée. L’éducation, celle que l’on inculque à la population et celle détenue par les élites, est donc au centre du processus d’affirmation nationale, autrement désigné nationalisme, et de construction nationale. Bref, en réalité et contrairement à ce que l’on pourrait croire, ce ne sont pas les nations qui font les États, mais plutôt les États qui forment les nations en formatant les peuples par le biais surtout de l’éducation. Ceci est tout aussi vrai pour les peuples qui ne possèdent pas un État souverain, comme le Québec, qui est un État fédéré, une province, et n’est souverain que dans son champ de compétences en vertu de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique de 1867.
Thème :
AcadieNationalisme
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